vendredi 20 mai 2011

Marathon de Montréal 2010, II

La préparation
(juillet-août 2010)


Je me prépare au marathon. À courir mon premier marathon.

En coureuse sérieuse, je me prépare sérieusement. J’ai la chance de passer cet été 2010 en Belgique – très loin de l’été qui suffoque à Montréal –, dans ma famille qui trouve normal de courir (mes parents courront eux aussi à Montréal, le marathon pour ma mère, le semi pour mon père), où je peux profiter des infrastructures et de l’encadrement du club d’athlétisme local. Pendant cet été communautaire, on se partage la garde des enfants bien trop jeunes encore pour se garder tout seuls, voilà qui me simplifie grandement la vie car préparer un marathon, ça prend beaucoup, beaucoup de temps. On se partage aussi les bons soins du même entraîneur. Celui-ci fournit à ses athlètes l’évangile, c’est-à-dire un plan personnalisé et des objectifs basés sur de savants calculs de fréquences cardiaques et de VMA (comprenne qui pourra), qu’il fignole et réajuste de séance en séance. C’est bon d’être pris au sérieux quand on se prend au sérieux.


Je cours donc religieusement à raison de cinq fois par semaine, dans la variété et parfois la souffrance, selon la météo (juillet fut chaud) et le contenu des séances (épuisants fractionnés sur piste, longues sorties sur route, footings de récupération). L’objectif poursuivi est : 1° de finir le marathon, 2° de le courir à une allure de 4’45 au kilomètre, soit en 3 h 20:25. Je suis flattée des ambitions que mon entraîneur nourrit à mon endroit, même si je sais qu’elles sont essentiellement statistiques (déduites de ma VMA). Mais, quand même, est-ce bien réaliste ? Nous verrions bientôt s’il a eu le nez creux.

À condition d’aller au bout.

D’aller au bout du marathon. Pendant l’épreuve, on est prévenus, menacent les fringales, la déshydratation, les côtes, le mur des 30 kilomètres, les crampes, les ampoules, les intempéries, les contretemps intestinaux, l’épuisement, la maladie, les jours avec et les jours sans. Ainsi l’apocalypse efface-t-il l’évangile et retournent à la poussière les objectifs, l’espoir et les semaines de travail. Mais avant d’essayer d’aller au bout du marathon, il faut d’abord aller au bout de la préparation. Car avant l’épreuve, d’autres menaces, plus terribles encore, pèsent sur le coureur : les blessures. Elles sont physiques, elles sont morales, elles sont épouvantables. L’une d’elles m’est tombée dessus le mercredi 14 juillet. Aux larmes citoyens.

La blessure
(juillet 2010)
Finalement, ce n’était rien du tout. Mais j’ai eu peur. 

Dès les premières foulées de mon échauffement ce soir funeste, j’ai comme une petite pincette qui se manifeste à l’arrière de la cheville droite. Douleur inconnue, pas dans mon répertoire celle-là. À la fin de l’entraînement, la pincette s'est muée en franche morsure. Pas besoin d’être médecin ou helléniste pour savoir que ce tendon est celui d’Achille et que les inflammations portent des noms en –ite. Tendinite. La cheville est gonflée. Le mal est fait. J’en pleurerais de rage. Glace, Google, cataplasme, catastrophe. Ne jamais googler un bobo, les forums sont un hôpital d’éclopés chroniques. Les gens qui vont bien ne témoignent pas de leur bonheur. Je vais me coucher, le sommeil ne vient pas. C’est comme si je devais abandonner au bord de la route un bout de moi, un bout tout neuf et tout beau, un bout que j’aimais bien. Certes non, la Terre ne va pas s’arrêter de tourner, mais sous mes pas claudicants elle a tremblé. Sous mes pas seulement. La course à pied, je le sais bien, c’est un truc entre moi et moi. On peut en partager les joies et les peines mais si peu finalement, c’est d’ailleurs bien normal. À notre anonyme niveau en tout cas, c’est juste un loisir, rien de plus. Sauf que j’en ai besoin. Alors je ne dors pas. 

Je ne dors pas et j’ai hâte que le matin arrive car je veux prendre rendez-vous avec un kiné-ostéopathe-acupuncteur qui, paraît-il, fait des miracles. Moi je veux bien croire à tout pourvu que ça me guérisse vite. Et ce monsieur a guéri ma maman d’une blessure qui s’éternisait et d’autres personnes encore. J’obtiens un rendez-vous pour le lendemain, ouf. Je passe la journée dans des sandalettes à talon pour soulager mon tendon. Je vais acheter des talonnettes en sorbothane chez Décathlon et un bandage de soutien à la pharmacie. Il n’y a qu’à l’église et au stade où je ne vais pas. Je passe une meilleure nuit.

Je suis contente de me lever pour aller voir mon sauveur (j’y crois, j’y crois). Je m’habille en tenue de sport et, en enfilant mes chaussures... alléluia ! Alléluia : j’ai mal ! J’en danserais de joie : j’ai mal ! C’est merveilleux ! Je comprends avec soulagement que la tendinite a été causée par le contrefort de ma chaussure.
Coupables ! Les New Balance 205. 
J'adorais ces chaussures, c’est juste pas de chance :
ou elles ne correspondaient pas à la morphologie
de mon pied droit ou bien elles avaient un défaut
de fabrication. (Photo : hypebeast.com)
Il pousse exactement sur le point douloureux. J’enfile d’autres chaussures (je cours avec deux paires, mais surtout avec la présumée coupable), la douleur est là mais sans que je puisse la mettre en lien direct avec la chaussure. Ce n’est donc pas moi la cause, ce n’est pas mon squelette, la qualité de mes muscles, la raideur de mes tendons, la forme de mes pieds, l’épaisseur de mes cartilages, ma posture de course, le volume de mes entraînements : ce sont les chaussures ! La cause de la blessure est facile à éliminer, je suis déjà presque guérie. L’ostéopathe confirme. Un peu de manipulation, quelques aiguilles, un ou deux jours sans courir, dix jours de traitement homéopathique (Zeel et Traumeel), la douleur est censée s’estomper et disparaître.
La Mizuno Wave Precision 10. (Photos : Mizuno)

De fait. En 10 jours, la tendinite se transforme en vilain souvenir et je peux reprendre sereinement l’entraînement et mes rêvasseries marathoniennes. Avec une nouvelle paire de chaussures. Dommage pour mes beaux bolides rouges, j’aimais vraiment courir avec. Les nouvelles sont orange. Mais c’est une autre histoire (les couleurs et les chaussures).

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